mardi 2 septembre 2014

En guise d'au revoir.

Je vous souhaite à tous une excellente année scolaire, pleine de découvertes et de joies ! Travaillez bien.
Je vous laisse ici le commentaire rédigé, avec les titres et les sous-titres, et quelques abréviations, pour vous aider.
MAIS il ne faut jamais les écrire lorsque vous faites un commentaire, tout doit être rédigé sans aucune trace matérielle de plan, titres et sous-titres, et sans abréviations.

LA PRINCESSE DE CLÈVES
Commentaire



INTRODUCTION


Paru en 1678, La Princesse de Clèves , roman de Mme de Lafayette s’ouvre sur la cour du Roi Henri II.
Ce portrait inaugural des plus hauts personnages du royaume se laisse lire de prime abord comme un éloge des fastes de la Cour. Sous cet éloge apparent se dessine cependant un jugement très critique. L’enjeu de la lecture est alors de comprendre comment l’écriture de Mme de Lafayette, soumise aux contraintes de l’ouverture romanesque, réussit à livrer un blâme sous les dehors de l’éloge.
Afin de mener à bien l’étude cette écriture il conviendra tout d’abord de montrer que cette brillante galerie de portraits semble annonciatrice d’un roman historique, héroïco-tragique. Mais la présence mesurée de la narratrice nous conduira ensuite à nous interroger sur la dimension ironique de ses interventions. Il sera alors temps de mettre en évidence une esthétique originale et exigeante, livrant les clés d’un roman du secret.


  1. Une brillante galerie de portraits annonciatrice d’un roman à la fois héroïque et tragique.

    1. Un ancrage historique immédiat et prégnant.
-Chronotope les dernières années du règne d'Henri II et la Cour.
-Noms des personnages historiques
L’Histoire est convoquée à chaque ligne, par les puissants de la Cour, leur noms et leurs titres. Il s’agit de personnages réels et le lecteur attend alors les personnages proprement romanesques.

    1. Des portraits brillants.
-Les hyperboles : « magnificence »,  « jamais », « tant d’éclat », « pas moins violente », « pas moins éclatants », « tous les jours », « partout ».
L’hyperbole structure le texte jusqu’à apparaître comme la seule figure, omniprésente.
-Accumulation des titres, des reprises de titres et des particules de noblesse.

    1. Une annonce en creux.
Au sein de ce décor on cherche en vain la Princesse de Clèves. Son absence semble destiné à provoquer l’attente du lecteur invité alors à lire en creux des annonces dans ce début ob ovo digne de la tradition du roman épique et héroïque où les auteurs tracent d’abord la généalogie des héros avant de les présenter en action.On remarque alors que se dessine dans le portrait les prémices d’une tragédie : dans cet univers de Cour, la mort rappelée du Dauphin annonce une catastrophe. La passion du Roi et la « dissimulation » de la Reine laissent présager aussi des péripéties héroïco-tragiques, les témoignages éclatants de la passion pour la maîtresse s’opposant aux témoignages dissimulés de la jalousie.

Plongé dans l’histoire et l’éclat de la Cour le lecteur est comme invité à une lecture en creux de la suite du roman ; son horizon d’attente semble celui d’un roman héroïque et tragique. Cependant l’ouverture est ambiguë, retardant l’entrée du personnage éponyme et instaurant une contradiction entre la première phrase et la dernière du texte, opposant la magnificence et la galanterie à la politique. Cette ambiguïté n’est-elle pas d’ailleurs commune aux trois portraits ? Dès lors l’apparent éloge des trois personnages ne tourne-t-il pas au blâme de leur conduite ?

  1. Une narratrice ironique ?

    1. Le portrait d’un roi peu soucieux de régner.
Le portrait du roi est l’occasion d’une très brève description, trois adjectifs qui le placent exclusivement sous le signe du corps « bien fait » et du sentiment « galant » et « amoureux ». Le deuxième paragraphe semble insister sur le corps et sa domination sur l’esprit puisque la phrase commence par une circonstancielle de cause « comme il réussissait admirablement… » qui dicte les occupations du Roi. Le corps apparaît comme la source du comportement royal. Enfin, les allusions à la mort du dauphin qui aurait « dignement » remplacé François premier dévalorisent indirectement Henri II.
    1. Diane de Poitiers : une grand-mère indigne ?
La maîtresse du Roi n’est guère favorisée non plus. En effet le personnage n’est pas décrit. Elle n’est présentée que dans sa position de maîtresse du Roi, depuis vingt ans, ce qui peut s’entendre comme une allusion à leur différence d’âge. Cette question de l’âge suscite l’attention du lecteur qui apprend au deuxième paragraphe qu’elle est grand-mère, et une grand-mère âgée puisque sa petite fille est en âge de se marier. Enfin le verbe « apparaître » la place aussi sous le signe des apparences et non de la vérité. Au final, le ton de la narratrice à son égard semble plus ironique que bienveillant. Cette ironie à l’égard d’une maîtresse vieille mais habillée comme sa petite-fille renforce par contrecoup la dévalorisation du Roi.

    1. La Reine : une douceur peu amène.
La Reine n’est pas nommée bien qu’il soit clair pour le lecteur contemporain de Mme de Lafayette qu’il s’agit de Catherine de Médicis. Sa description physique est brève- comme ce sera le cas pour tous les personnages du roman. Pourtant le trait de beauté est immédiatement contrebalancée par l’âge et l’antithèse semble un euphémisme. Au contraire du Roi c’est sous le signe du politique que la Reine apparaît, son « humeur ambitieuse » occupe un paragraphe non sa beauté. Le dernier paragraphe est souvent modalisé, « il semblait », « il était difficile de juger » car la narratrice prend de la distance par rapport au personnage historique. C’est pour mieux faire ressortir les qualités qu’elle lui prête : « une si profonde dissimulation ». La phrase non seulement porte l’intensif mais est exempte de modalisation ce qui par contrecoup annule « semblait » . C’est bien un jugement de Catherine de Médicis et il n’est pas élogieux.


Mais alors s’il s’agit bien d’un blâme dissimulé ici, que reste-t-il de l’ouverture promise, de la grandeur et de l’éclat ? Ce qui se donne à lire est en fait le fruit d’une esthétique, la préciosité, qui joue sur le lexique, la construction et les figures, la culture et la complicité du lecteur enfin, comme le bon ton de la conversation le veut dans les salons.

  1. Une esthétique originale qui sollicite le lecteur.
    1. Le choix du lexique.
Le lexique de Mme de Lafayette échappe aux excès précieux que Molière a tournés en dérision. Mais elle fait un usage subtil de nombreux mots. Ainsi le verbe « paraître » est le premier verbe du roman, plaçant celui-ci sous le signe des apparences et de la superficialité, idée renforcée par l’emploi du verbe deux fois pour Diane de Poitiers. Dualité entre l’extérieur, ce qu’on montre et que les autres peuvent admirer, cf « admirablement », et ce que l’on cache mais que la narratrice va dévoiler car elle sait qui « dissimule ». Notons encore le doublement de témoignages, décliné en nom pour le roi et verbe pour la reine. L’expression « souffrît sans peine », où le verbe « souffrir » signifie « supporter » dans son sens classique du XVIIè, peut aussi s'entendre comme un oxymore et jouer le rôle de démenti de l’apparent stoïcisme de la reine.

    1. Un usage de la subordonnée à des fins ironiques
Le style de Mme de Lafayette se cache aussi dans sa virtuosité pour enchâsser les subordonnées et y dissimuler un jugement. Ainsi dans le deuxième paragraphe la deuxième phrase nous révèle que Diane de Poitiers est une grand-mère âgée mais seulement dans la troisième subordonnée, où l'on apprend que sa petite-fille est à marier, ce qui crée un effet de chute presque comique. Dans le troisième paragraphe la troisième phrase contient deux subordonnées circonstancielles de temps et la seconde contient elle-même deux relatives. C’est dans la dernière relative que se trouve indirectement par contrecoup une possible critique d’Henri II. En apparence les informations concernent son frère. Mais le frère devant remplacer « dignement » son pèere, Henri II devient moins digne. Il faut aussi s’interroger sur le possessif « son » surprenant car le sujet de la principale est Henri II et grammaticalement « leur » serait plus approprié. Ne faut-il pas dès lors envisager que la narratrice nie en quelque sorte non seulement la dignité mais la légitimité d’Henri II ?

    1. Des informations à double sens
C’est bien le propre de l’esthétique précieuse que de cacher du sens, de laisser la possibilité d’une double entente, sous le signe de la litote ou de l’euphémisme. Il faut alors convoquer l’histoire pour entendre mieux Mme de Lafayette. Ainsi les vingt ans de la passion ne cachent-ils pas la différence d’âge du roi et de Diane de Poitiers ? L’habileté du roi n’est-elle pas mise à mal par sa mort en tournoi justement par maladresse ? L’histoire qui nous enseigne que Diane fut aussi la maîtresse du père, donne un sens particulier à l’expression « prendre la place de son père » employée pour le Dauphin quand il s’agit de régner, mais ce fut en plusieurs sens le cas de Henri II. Enfin le lecteur de l’époque n’ignore pas que la douceur de la Reine fut responsable du massacre de la Saint-Barthélémy en 1572 , et que son manque de jalousie la conduisit à priver Diane de Poitiers du château de Chenonceaux et à la chasser de la Cour après la mort du Roi

CONCLUSION


Ce début de roman semble être le lieu de portraits brillants annonciateurs d’un roman historique, héroïco-tragique. Cependant la narratrice s’y révèle ironique voire acerbe. L’esthétique précieuse semble alors exiger un lecteur attentif et perspicace soucieux de participer à l’élaboration d’un sens qui se dissimule sous les apparences de la limpidité.
On peut d’ailleurs voir là la véritable annonce de cette ouverture : La Princesse de Clèves est un roman du secret sans cesse dévoilé, sans cesse dissimulé.






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mercredi 11 juin 2014

René Char « Alberto Giacometti », Recherche de la base et du sommet 1954

René Char « Alberto Giacometti », Recherche de la base et du sommet 1954


Les sculptures de Giacometti nous sont familières. La poésie de René Char moins. Nous savons souvent qu’il a été résistant, mais sa poésie est réputée difficile. En 1954, dans un recueil de poésies en prose, Recherche de la base et du sommet, où il affirme son admiration pour des peintres et des sculpteurs qui sont souvent ses amis, Char rend hommage à Alberto Giacometti dans un poème en prose du même nom.

Lecture

Le mouvement du poème fait se succéder la description d’une cour de ferme au petit matin, avant le réveil des habitants et le récit de l’apparition d’un « couple de Giacometti » qui semble droit sorti du rêve du sculpteur que la dernière phrase, telle une clausule, donne dormant dans la chambre d’amis. Nous nous demanderons quelle vision de l’homme poétiquement transparaît au travers de l’éloge de Giacometti. Pour ce, nous examinerons tout d’abord la mise en récit puis nous nous intéresserons à la description du couple et enfin au travail sur le langage.




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René Char donne à lire un récit dont, au moins sur le plan formel, nous pouvons dire qu’il est fort classique. Les premiers verbes sont à l’imparfait, temps de la description pour le récit au passé, temps du second plan, « pendait », « laissait », « s’étalait », « n’osait », « réclamait ». Le décor installé, les personnages apparaissent et l’auteur utilise le passé simple, « parut », « s’arrêtèrent », « humèrent », « toucha ». Ce récit comprend des personnages. Outre le « couple de Giacometti » on note « le propriétaire » du linge, les « paysans », le « fermier » et « le grand Giacometti ». Les personnages évoluent dans des lieux, « la campagne », « l’aire », « la maison », « la chambre ». L’histoire se passe à un moment précis, le petit jour, « le matin ».
Cependant dans cet ancrage spatio-temporel, une figure récurrente donne à l’ensemble un aspect étrange : la personnification. Alors que les hommes ne sont pas encore éveillés tout l’environnement est personnifié. Ainsi le linge peut « passer la nuit dehors », plus loin il « s’effraya », la campagne « n’osait babiller », les paysans vont bientôt éveiller « les seaux et outils », la « basse-cour réclamait » et enfin l’eau « se réjouit » et « percevait la lointaine signification ». Le monde naturel est personnifié, en l’absence des hommes, « les cultures désertes ».
Ce récit semble alors opposer une nature vivante, dont « la beauté était totale » à un monde humain grossier, à « large serrure » » et « « grosse clé ». La conjonction de coordination « car » lie la beauté de ce monde à l’absence des hommes. C’est dans ce vide d’hommes que va apparaître le « couple de Giacometti ».


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Le couple de Giacometti est signalé comme statue par le nom du sculpteur mais la préposition « de » offre comme un lien familial entre le créateur et ses créations. Char semble ignorer le caractère de statue de l’œuvre pour lui conférer une dimension humaine. Les deux statues sont un « couple », presque de la famille Giacometti.
Le récit les isole non seulement par le passé simple mais également par leur abandon du « sentier proche ». Ce sentier semble bien une métaphore, pour un art qui s’écarte justement des sentiers battus. L’apparition « sur l’aire » renvoie peut-être au domaine mathématique, comme dans le titre du recueil, « base » et « sommet », mais présente également une ambiguïté phonétique. Toute la description qui pourra commencer s’attache à conférer au couple la dimension de symboles. Le physique offre peu d’intérêt, « nus ou non ». La description est faite sans verbe par phrases adjectivales et autour de trois comparaisons « comme », « tels », « à la manière de ». L’ensemble des comparants renvoie à la guerre : « églises brûlées », « décombres », « beaucoup souffert », « perdant leur poids et leur sang ». Le couple s’assimile à toutes les victimes de guerre, sortant en quelque sorte des décombres. La forme si particulière des statues de Giacometti trouve ici une explication, une origine.
Mais ce statut de victime se mêle à un caractère sacré, « les vitraux », « églises » et « gracieux » qui phonétiquement associe la grâce et les cieux. Surtout la suite de la description oppose ce statut de victime, « cependant », à un autre, celui en quelque sorte de résistants. La dernière comparaison donne un comparant humain « ceux qui se sont engagés sans trembler ». Cette fois la victime sacrée a reconquis sa dignité- « hautains de décision »- et l’adjectif « irréductible » souligne cette reconquête par un transfert sémantique de la lumière au couple, un hypallage. Ce que Char voit dans la sculpture de Giacometti c’est l’humanité sortie de la guerre, comme rudérale (qui croît dans les décombres) mais grandie par son engagement, non seulement victime mais fière.
Davantage, il semble voir aussi une promesse celle de la fécondité. Le geste de l’homme sur le ventre, l’échange de regard, surtout l’approbation de l’eau, appellent une interprétation en ce sens. Char crée ainsi l’espoir reliant l’humanité du désastre à celle de demain, avec la tranquille présence du principe de vie immémorial, l’eau dans son puits profond. Les origines de la vie sont protégées- « petit toit de granit »- et Giacometti offre à l’homme une descendance. Le passé, « l’eau », le présent, « le couple » et l’avenir « la lointaine signification » se trouvent ainsi réunies dans le sommeil du sculpteur.
Dès lors il semble que le récit de Char soit celui du rêve de Giacometti.
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Ce récit de rêve est porté en permanence par une poésie du langage.
Elle est d’abord crée par la multiplicité des images. Les personnifications de la nature, bien sûr, sont accompagnées de réifications pour le couple, assimilé aux « églises » et aux « décombres ». Ces transferts de sens par comparaison ou métaphores donnent une force d’évocation au texte que souligne aussi la polysémie des expressions. Ainsi le « sentier proche » désigne également les voies convenues de l’art, les « cultures désertes » renvoient à la civilisation autant qu’aux champs. Le langage obtient ici, comme toujours en poésie, un supplément de sens. Un « sens plus pur » aurait dit Mallarmé.
Simultanément il se déploie comme matériau sonore. On note de nombreuses allitérations- en « s » dans la deuxième phrase, en « r » dans la dernière. La répétition de « linge » participe d’une recherche mélodique. On la trouve également dans les vers cachés, la dernière phrase est composé d’un décasyllabe entouré de deux octosyllabes. Ainsi se crée une langue particulière qui exprime elle aussi le rêve de Giacometti. Le poème est pris dans la section « Alliés substantiels ». Char rend hommage aux alliés non négligeables-« substantiels »- que sont les artistes plasticiens pour le poète, et il les accompagne dans le travail sur la substance qu’est pour lui le verbe, la langue.
Et pour mieux souligner cette alliance le « yod » du nom de Giacometti se trouve comme scandé dans le texte par les multiples occurrences du phonème : « insouciant-propriétaire-pierre-babiller-éveiller-gracieux-décision-manière-passionnés-laurier-effraya-aboyer-remercia-signification ». Le monde réel et sonore s’emplit du sculpteur.

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Dans cet hommage à Giacometti, René Char donne vie au travail du sculpteur, à la manière d’un récit de rêve. Il offre ainsi son interprétation du travail de son ami. Par le travail du verbe, il rend compte du travail sur la matière qui ne fait que dire l’espoir en l’homme et la femme, en l’humanité, malgré les désastres. Ainsi s’éclaire le travail du sculpteur comme celui du poète, une recherche tant de la base, ce qui fait l’homme, que du sommet, ce que fait l’homme.

mardi 27 mai 2014

Spleen LXXV

Le Spleen LXXV est le premier d’une série de quatre dans la première section des Fleurs du Mal, « Spleen et Idéal ». Il succède à la série sur l’Idéal et à un poème qui annonce l’échec du poète à s’y élever, La Cloche Fêlée. Inaugurant le cycle des Spleen ce poème reçoit donc la mission de définir cette notion qui n’est pas exclusivement baudelairienne mais que Baudelaire a certainement comme nul autre perçue comme consubstantiel à son être et à son travail poétique. Nous souhaiterions nous interroger ici sur la manière dont Baudelaire allégorise un état d’âme à travers une succession d’images au sein d’une forme très codifiée : le sonnet. Ainsi nous étudierons tout d’abord l’omniprésence de la mort, qui envahit les quatre strophes et presque chacun des quatorze vers. Puis nous nous demanderons si le spleen n’est pas une autre forme de mort, la perte de toute sensibilité. Enfin nous tâcherons de montrer que la poésie, si elle offre au poète un répit face au spleen, lui donne aussi l’occasion d’en désigner l’origine dans une vision qui nous semble chrétienne.

  1. Omniprésence de la Mort.
    1. Le mouvement du sonnet mouvement du spleen : la mort envahit l’espace.
Faire un relevé vers par vers des occurrences, décrire le mouvement d’abord vertical puis horizontal mouvement descendant, écrasant
S1 le ciel sur la ville, S2 le carreau (sol mais aussi vitre) et la gouttière (descendant ou horizontal) S3 et S4 horizontal bourdon bûche pendule jeu cartes.
    1. Spleen ce jour, spleen toujours : une invasion spatiale et temporelle.
Texte au présent mais présence du passé (irrité, défunts) et du futur par les cartes qui disent l’avenir+ fatal.
    1. La mort contamine l’espace, le temps, les êtres et les choses.
Habitants périphrase euphémisme, faubourgs métonymie, poète fantôme, vieille héritage chat semble échapper à la mort mais sa vie est sans repos à la recherche d’une litière = cercueil ?

  1. Le spleen comme perte de la sensibilité.
    1. Le froid, gel des sens.
Occurrences froid frileux + recherche de sonorités fricatives FR BR DR TR et RF RD RB RT
    1. Les parfums, les couleurs et les sons ne se répondent plus.
Disparition progressive des sens dysphonie, rupture d’harmonie."fausset", "sales parfums"



  1. La création poétique, répit du remords.
    1. Le spleen punition divine
Personnification Pluviôse, maj +premier mot+urne
Le Déluge, Sodome et Gomorrhe.
    1. L’intériorisation du mal
La vieille hydropique, dévalorisation par substantivation de l’adj, rime inclusive dame de pique hydropique et inclusion du mal par la rime et par l’eau. Rôle de la femme.
    1. Jeu poétique
Sales parfums écho de l’oxymore Fleurs du Mal, le jeu peut se lire comme le travail de la création, un dialogue entre l’Amour et la Mort, les cartes n’étant autre que les poèmes. Une poésie qui « cause » (rime avec pluviôse) sinistrement mais qui demeure la seule voix perçue par le poète.
Conclusion :
Ce premier « Spleen » de la série offre une vision de la mort généralisée qui tend aussi à ôter du monde toute sensibilité et à rompre toute harmonie. Le spleen devient comme une faute intérieure que la poésie ne peut faire cesser mais se contente d'évoquer. Ce premier des quatre « Spleen » n'est pas le plus désespéré. La clôture de la série ôtera en revanche tout espoir.

dimanche 25 mai 2014

Correspondances - Les Fleurs du Mal

Correspondances
IV
Section Spleen et Idéal


Quatrième poème de la section, ce sonnet occupe une place de choix dans la première section des Fleurs du Mal, au début d’une série qui concerne la fonction, le rôle du poète. Il succède à « Bénédiction » (la mère : « Ah que n’ai-je mis bas tout un nœud de vipères »), à « L’Albatros » (« Le poète est semblable au prince des nuées ») et « Élévation » (« Mon esprit tu te meus avec agilité »), trois poèmes qui semblent décrire un mouvement ascendant celui de la quête vers l’Idéal.
LECTURE
Ce sonnet apparaît comme un sonnet didactique (=qui expose une leçon) sur les correspondances. Que sont les correspondances et en quoi nous renseignent-elles sur le monde, telle est la question à laquelle répond le sonnet dans les deux premiers quatrains, puis les tercets illustrent la théorie à travers les parfums décrits dans une dichotomie qui oppose l’innocence et la pureté à la sensualité. Nous examinerons tout d’abord le sonnet comme une théorie des correspondances, puis nous analyserons la description des parfums et enfin nous voudrons voir dans « Correspondances » l’ébauche d’un art poétique.

  1. La théorie des correspondances
Le sonnet s’énonce au présent de vérité générale, des formules semblent des définitions « il est… ». Quelle est la conception de Baudelaire ?
    1. Il envisage tout d’abord l’univers comme un tout, une unité.
Plus tard en 1861, parlant de Hugo, il écrira : « (…) les choses s’étant toujours exprimées par une analogie réciproque, depuis le jour où Dieu a proféré le monde comme une complexe et indivisible unité ». Cette vision s’associe à une vision panthéiste (Dieu partout dans la nature) signalée par le « N » de Nature, la métaphore du temple et la présence de l’encens. L’Homme n’est qu’un élément fugitif, éphémère, il « passe » tandis que tout vit autour de lui. Les « vivants » piliers, les « paroles », « observent » « regards familiers » sont autant de termes qui personnifient le monde. Mais Baudelaire s’éloigne ici des Romantiques en ce qu’il ne décrit pas la nature, le paysage. Les éléments naturels sont surtout métaphoriques « forêt » ou étayent une comparaison « prairies ».
    1. L’unité du monde est un reflet de l’Idéal.
L’image des piliers suggère un correspondance verticale entre le haut (l’Idéal) et le bas le monde humain. Ce monde d’en haut livre un message et porte en bas comme des reflets ce qu’il est en haut. Ainsi l’univers de l’homme devient peuplé de symboles, qui sont comme les deuxième moitiés (voir étymologie de symbole) d’une vérité idéale. L’idée de verticalité se retrouve dans la « profonde » unité.
    1. Les correspondances sont aussi horizontales c’est-à-dire qu’elles concernent non plus le lien Idéal-monde mais le monde lui-même.
Le tout, l’unité est à retrouver en retrouvant les liens entre les différents objets de notre monde qui communiquent entre eux et sollicitent nos différents sens. Ce qui nous parvient nous parvient mélangé, « confus » comme des échos qui se « confondent ». Le terme de correspondances prend tout son sens dans le huitième vers, définitoire : « Les parfums les couleurs et les sons se répondent ». Les correspondances évoquent l’adéquation, le lien logique entre nos différents sens mais également les réponses qu’ils se donnent entre eux comme on entretient une « correspondance » en se répondant par lettres.

Ainsi le sonnet livre une sorte de théorie de l’univers où se trouvent définis la nature et l’homme.
Les parfums viennent alors livrer un exemple de ces correspondances à l’œuvre autour de nous.


  1. Son illustration par les parfums(à développer par les citations du texte)

Le parfum renvoie assez clairement aux Fleurs par métonymie, et il est aussi un aspect des fleurs.
    1. l’association des sensations.
Les deux tercets illustrent le vers 8. Ainsi toutes les comparaisons des vers 9-10 associent la perception olfactive à trois autres. « Chairs d’enfants » renvoie au toucher, etc. Mais chaque adjectif est lui-même polysémique, ainsi « frais », « doux » et « vert » renvoient à la jeunesse et à l’innocence, la pureté. La correspondance s’établit entre des sensations et un état.
    1. L’antithèse
Le vers suivant marque une rupture : « il en est d’autres »
La sphère sociale semble convoquée de nouveau par la polysémie « corrompus, riches et triomphants ». Le premier adjectif signifie en un sens déjà ancien au XIXème siècle, en décomposition. Plus communément il signifie mauvais au sens moral.
Le comme n’est plus ici comparatif mais introduit des exemples. Les parfums cités sont marqués par une double origine végétale pour l’encens et le benjoin, animale pour l’ambre et le musc. Cette dualité prépare celle de l’alliance dans le transport de « l’esprit et des sens ». On retrouve ici l’image déjà suggérée dans « L’Albatros » de l’homo duplex, fait de chair et d’âme, mais réconcilié dans l’infini du parfum, où spiritualité et sensualité entrent en correspondances.




  1. et par une écriture poétique correspondante.
Le poème de Baudelaire ne se contente pas d’illustrer les correspondances par le parfum. Il les met en œuvre dans son écriture même, comme si le déchiffrement du symbole revenait à l’artiste. Il faut aux correspondances une langue correspondante.
    1. Cette langue repose sur l’analogie
Le déchiffrement amène le poète à effectuer des rapprochements fondés sur la ressemblance. La figure de style privilégiée est la métaphore (nature temple, forêt de symboles, vivants piliers). La comparaison est aussi une figure de choix, six occurrences de « comme » et celui du dernier tercet, qui commencent comme correspondances.
    1. Sur l’harmonie
La langue se fait imitative. Ainsi le vers 5
« Comme de longs échos qui de loin se confondent » répète les consonnes KDLK KDLK dans un écho sonore qui double le signifié par le signifiant (le sens par le son).
    1. Et sur l’alliance des contraires
Enfin le poète joue sur l’alliance des contraires –titre du recueil et de la section- qui se retrouve dans les figures d’oxymore et d’antithèses. Oxymore vaste comme la nuit et comme la clarté, antithèse « il est- il en est d’autres », « l’esprit -les sens ».
Le dernier vers contient également une rime pour l’œil qui s’oppose en quelque sorte à a rime pour l’oreille mais rend compte ainsi encore d’une synesthésie qui mélange deux sens : l’auditif et le visuel.


« Correspondances » développe une théorie universelle de déchiffrement. Baudelaire y donne à la fois les clés de sa vision du monde, hiéroglyphique et dichotomique, déchiffrable pour le poète, mais également un art poétique de la correspondance en action, qui fait du langage non un reflet du monde mais un objet de ce monde.

jeudi 15 mai 2014

Plan de commentaire pour l'article Guerre du DDP

Plan d'étude pour l'article « Guerre » du Dictionnaire philosophique portatif


A la Renaissance, Machiavel dans Le Prince écrit qu'un monarque doit avoir « l'art de simuler et de dissimuler » ou encore « Le Prince ne doit pas être remarquable, mais il doit être tenu pour remarquable », et qu'il doit tenir un équilibre entre cruauté et pitié.
Au XVIIIème siècle Frédéric II de Prusse écrit L'Anti-Machiavel.L'ouvrage de FII tâchait de prendre le contre pied de ces recommandations. L'anti-Machiavel de Frédéric II de Prusse a été relu et corrigé par Voltaire à la demande de FII.
Au regard de l'attitude de FII devenu roi, L'Anti-Machiavel est« un cimetière de bonnes intentions » et peut-être Voltaire se venge-t-il un peu dans le Dictionnaire philosophique portatif de 1764 sous-titré La Raison par l'alphabet dans son article « Guerre ».
Lecture
Cet extrait de l'article se présente sous la forme d'un récit qui dénonce. Le recours au narratif est une arme fréquente chez Voltaire. Comment Voltaire fait-il du récit un réquisitoire ? Il sera tout d'abord possible d'étudier la manière dont l'anecdote devient universelle puis de montrer comment Voltaire désigne des responsables tout en indiquant ses préférences philosophiques.

  1. De l'anecdote à l'universel
    1. Des personnages de plus en plus nombreux
    le début est comme un conte, au moins le début d'une histoire. La présence des indéfinis contribue à lui donner une faible portée. Pourtant peu à peu la multiplication des acteurs vient accentuer son importance.
    2. Une chronologie accélérée
    asyndète absence de coordination, de subordination. Juxtaposition qui renforce l'impression de chaos.
    3. Une guerre universelle infantile et absurde


  1. Un réquisitoire contre les lois qui mènent à la guerre
    1. Les responsables désignés de la guerre
    a. Le pouvoir héréditaire
    b. L'avidité territoriale
    c. Le droit divin- l'église catholique
    2.En creux Voltaire appelle de ses vœux un régime politique différent
    a. La question du consentement—droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
    b. La protestation-----la question de l'opinion publique et de la liberté d'expression


Conclusion Cet extrait de l'article Guerre ressemble à un apologue aux multiples cibles. Il ne repose pas sur le pathétique, comme les articles de l'Encyclopédie ou le chapitre 3 de Candide. Il fait appel à la raison, montre l'absurdité de la guerre et offre en filigranes des perspectives de changement. Voltaire reste fidèle à son parti pris narratif comme arme argumentative, il n'en est pas moins efficace que ses contemporains encyclopédistes.

Plan d'étude chap 19 Candide

Les textes des Lumières contre l'esclavage ne sont pas si nombreux. On connaît le texte de Montesquieu extrait de L'Esprit des lois, et intitulé « De l'Esclavage des nègres », texte ironique mais ambigu au point qu'on l'a retrouvé avec le Code Noir dans certains bateaux négriers, ou encore plus explicite l'article « Traite des Nègres » de l'Encyclopédie, de Jaucourt, tardif puisqu'à la lettre « T ». Rousseau n'écrira pas de texte spécifique. Voltaire y consacre le court chapitre 19 de Candide.

A peine sorti de l'Eldorado avec Cacambo, à peine sorti du paradis en quelque sorte, Candide se heurte à une des terribles abominations de l'Ancien Régime, l'esclavage. Il rencontre aux portes de Surinam, en Guyane hollandaise, un esclave. Dans la tradition du dialogue philosophique celui-ci va lui apprendre sa situation.

Lecture

Petite scène fidèle aux habitudes de Candide, cette rencontre permet un exposé fidèle, concis, vivant de la condition de l'esclave et des aspects de la traite. Nous pourrons ainsi examiner les éléments du dialogue puis le pathétique propre à cette scène.



  1. L'esclavage, le « nègre » : un narrateur hors-pair, un philosophe expert
    1. des conditions terribles régies par le Code Noir
    Les allusions de Voltaire sont transparentes pour qui connaît le Code Noir. Chaque évocation par l'esclave d'un aspect de son existence est une référence au texte juridique institué sous Colbert pour réglementer l'esclavage. La fiction hollandaise laisse donc transparaître une situation française. Ainsi pour les mutilations, l'habit, mais également pour la religion puisque le Code intime aux propriétaires de faire baptiser les esclaves.
Derrière l'apparence d'un exotisme facile, chiens perroquets, fétiches, Voltaire fait donc référence à une situation juridique précise. Mais tout se dit ici à la manière de Voltaire, figures de symétrie, répétitions (« quand nous...)

2. Un commerce
Par ce personnage mutilé et pourtant très clair, Voltaire expose aussi les conditions de la économiques de la traite. Les acteurs sont bien sûr le maître au nom transparent « vendeur à la dent dure » , les parents qui ont vendu leur enfant qui a fait leur « fortune », et le consommateur final, celui qui mange le sucre en Europe. L'esclave est l'expert de son sort. Le dialogue fictif sert un exposé déguisé, mais il demeure vivant, alerte, fait intervenir au style direct la mère, tout en donnant des détails exacts, « côte de Guinée », « écus patagons ».

3.la complicité de la religion
Enfin Voltaire ne manque pas de mettre évidence les inconséquences d'une religion qui prône la fraternité de tous et autorise l 'esclavage. Est-ce une allusion aux conclusions de la Controverse de Valladolid qui accordant une âme, in extremis, aux Indiens d'Amérique, préconise de chercher des esclaves en Afrique ? Là encore l'esclave est un narrateur philosophe, un Candide bis, en plus ironique (« je ne suis pas généalogiste ») dans sa dernière remarque, « Vous m'avouerez... »

Ce personnage de l'esclave est un des jalons de la tradition philosophique, un des sages « naturels »que l'Européen rencontre, tels les rois cannibales de Montaigne, le Tupinamba de Jean de Léry ou le Tahitien de Diderot. Son discours, valable en lui-même comme dénonciation de l'esclavage est aussi une nouvelle bataille gagnée dans la lutte contre l'ennemi philosophique du conte, l'Optimisme.



  1. Une rencontre et deux dialogues
    1. au sein du récit, une rencontre en chemin.
    Le dialogue s'insère dans le parcours de Cacambo et de Candide. On peut comparer la première et la dernière phrase, similitude de construction gérondif passé simple « en approchant (…) ils rencontrèrent » « en pleurant(...)il entra ». Entre les deux, l'esclave et le dialogue.
    2.Un dialogue en cache un autre.
    Le premier, sur l'esclavage et le plus important bien sûr deux questions suffisent et un mot en syllepse, « traité » agir avec, mais aussi comme l'anglais « trade », commercer , est le
    prélude à un échange radical sur l'optimisme.
Cacambo devient le questionneur et Candide le philosophe expert. Une définition dénonciation de l'optimisme « la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal » fait écho à la définition radicale de l'esclavage « à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ».

Le gérondif « en pleurant » marque la progression pathétique du personnage. Candide vient d'abandonner Pangloss et ses dernières illusions. Pourtant il reste de nombreux chapitres et beaucoup de voyages et de récits avant la fin du conte. Cela a fait dire à quelques commentateurs que ce chapitre avait été rajouté, charge oubliée contre l'esclavage peut-être. Toujours est-il que Voltaire y est fidèle à son style, volontairement peu didactique et pourtant assez précis et documenté. Et ce chapitre contre l'esclavage reste aussi un chapitre contre l'Optimisme et la religion.

Plan d'étude Chapitre 3 Candide

Candide chap 3

Sit :
Candide chassé du paradis terrestre, enrôlé, déserteur, condamné à mort, gracié, le voilà soldat combattant, au seuil de la guerre.
Passage descriptif occasion de dénoncer l'absurdité et la cruauté de la guerre, ainsi que de réitérer ses sarcasmes contre les philosophes, par l'arme de l'ironie mais aussi par un certain pathétique, brutal et sec.

Un spectacle grandiose et sanglant.
  1. Description des deux armées
    symétrie équivalence hyperbole répétition
    genre épique, chanson de gestes, exploits de héros (étymologie demi-dieu)
    amplification dans la première phrase et musique entourant la guerre
  2. parodie d'épopée
    burlesque en mélangeant les registres « coquins » « infester »...
  3. caractère mécanique des trois assauts, augmentation du nombre des victimes, déshumanisation bilan approximatif et comptable, paroxysme ironique dans la trouvaille finale. L'oxymore allie les deux aspects du burlesque et finit de dénoncer le mensonge de la guerre héroïque pour ne laisser que l'image du carnage sanglant et animal.
Un spectacle pathétique
  1. les civils
    Le passage dans les villages change le ton. Omniprésence des corps des faibles des sans défense, vieillard,etc ;
  2. désordre désarticulé
    la guerre détruit l'ordre social elle instaure le chaos, ici elle désarticule les corps jamais vus dans leur intégrité. Blessures, membres, etc. cacophonie
Une perte de sens, l'absurdité
  1. guerre strictement équivalente dans les deux camps
  2. responsabilité des rois
  3. responsabilité de la religion.

A peine sorti du paradis terrestre dont il a été chassé Candide se retrouve aux prises avec la guerre. Le lecteur lui suit Voltaire dans une dénonciation rigoureuse et sans répit du chaos du monde et ici de la guerre spectacle absurde, insoutenable et dont les responsables sont à la fois les rois et les religieux. Le voyage de Candide commence et il n'y a déjà plus beaucoup de raison d'être optimiste.