COMMENTAIRE CORRIGÉ.
Germinal, publié
en 1885, est le roman le plus célèbre d’Émile Zola. D’une
construction dramatique exemplaire, il s’inscrit dans la tradition
naturaliste en mêlant le documentaire et la fiction. Le passage
proposé à l’étude est situé au début du roman. Étienne, qui
vient d’arriver au Voreux, a réussi à se faire embaucher car une
herscheuse est morte dans l’équipe de Maheu. Il va donc accomplir
sa première descente au fond.(1)[ À l’oral il faut lire le
texte immédiatement après sa situation, à l’écrit on continue
normalement]. Cette description de la descente, à travers les
sensation d’Étienne, évoque d’abord le mouvement de la cage,
puis s’attarde sur les fuites du cuvelage(2). Quels sont les enjeux
d’une telle description dans le récit de Zola ?(3) Pour répondre
à cette question, il conviendra tout d’abord la description dans
sa dimension informative, puis d’en dégager les caractéristiques
dramatiques, enfin de considérer sa dimension symbolique(4).
RAPPEL(extrait des conseils de méthodologie p.2)
L’introduction
comprend quatre étapes. On cherche d’abord à présenter le texte
en deux ou trois phrases qui l’inscrivent dans un contexte plus
large, de l’époque à l’auteur, pour resserrer ensuite sur son
contenu, sa place dans l’œuvre(1). On évoque ensuite sa
composition, son mouvement(2) afin d’en déduire de la manière la
plus élégante possible la problématique d’étude qui consiste
souvent à se demander quels moyens l’auteur met en œuvre pour
obtenir un effet(3). Enfin on annonce le plan(4) sous forme de
questions directes ou indirectes qui sont autant d’étapes pour
répondre à la problématique, qui est en quelque sorte une question
complexe.
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Suivant les principes de Zola cette description a
une visée informative. En effet, « l’œuvre d’art est un
coin de la nature ». Ici la mine doit être vue sous un angle
réaliste pour être conforme aux principes zoliens.
La description est menée
à l’imparfait. Elle concerne les hommes, « Tous étaient à
l’aise », le mouvement de la cage, « filait droit »,
l’environnement, « les parois du puits ».
Les termes techniques
sont employés par le narrateur, « guides »,
« madriers », « lampe à feu libre »,
« berline », voire « porion » ou donnés
comme indications par Maheu « quatre mètres de diamètre »,
« cuvelage ».
La descente, redoutée
par Étienne quelques pages plus haut dans sa discussion avec
Bonnemort, « et quand ça casse ? –Ah quand ça
casse… », permet à Zola de donner des indications sur le
transport des ouvriers, les dimensions du puits. Cette description a
donc une visée informative, l’habileté de Zola consistant à
partager les informations entre le narrateur et Maheu pour leur
donner l’apparence du naturel.
Mais il s’agit également de créer une
atmosphère dramatique.
RAPPEL(extrait des conseils de méthodologie p.2)
La
présentation matérielle
du devoir est primordiale. L’introduction débute par un alinéa.
Elle est séparée de la première partie par un saut de trois
lignes. Chaque partie contient des sous-parties (c’est-à-dire des
paragraphes) marquées par un alinéa sans saut de lignes. Entre
chaque partie une phrase permet une transition. Elle est située en
fin de partie et annonce la suivante.
XXXXXXX
Zola commence par isoler Étienne du groupe. « Tous
étaient à l’aise. Lui… » Étienne nouveau venu, est un
exclu. Exclu du travail, du gîte, de la mine. Il a tout à
apprendre.
Son isolement permet
ensuite à Zola d’en faire le centre de perception. « Il ne
pouvait distinguer », « à ses pieds », « Étienne
se demandait ». Au contraire des autres, qui sont habitués et
peuvent interpréter les mouvements et les bruits de la cage, Zola
privilégie Étienne pour faire partager au lecteur l’angoisse de
cette descente. Étienne se trouve dans l’incapacité d’interpréter
son expérience de la descente. Cela « lui donnait la peur
d’une catastrophe ». Les sensations changent brusquement
« immobilités » puis « brusques trépidations »,
ou demeurent imprécises « sorte de dansement ».
Progressivement Zola associe le lecteur, le narrateur et Étienne par
un « on » indéterminé : « on traversa »,
« on retombait au néant ». La focalisation interne est
le moyen privilégié de cette vérité naturaliste.
Simultanément la
description a une dimension narrative en ce qu’elle projette dans
son présent le futur du récit. Ici la gradation qui concerne la
fuite du cuvelage est une prophétie de la catastrophe finale. Le
« bruit d’averse » passe des « grosses gouttes »
à l’ « ondée » puis au « déluge ».
Cette dernière image possède une résonance biblique mais rejoint
aussi les imprécations de Souvarine qui appelle de ses vœux une
humanité renouvelée par la destruction totale de l’ancienne. Or
c’est bien lui qui sera l’instigateur de l’horrible
catastrophe, redoutée par Étienne dès sa première descente, et
signalée par Maheu.
Informative, mais aussi
annonciatrice, la description a aussi une dimension symbolique qu’il
convient d’aborder maintenant.
XXXXXXX
La mine quelques pages plus haut a
déjà été présentée comme un monstre engloutissant les hommes.
Le « Voreux » les dévore. Mais ici c’est d’une
descente aux Enfers qu’il s’agit. Étienne est un nouveau Thésée,
pas seulement dans le labyrinthe, aussi parti chercher son ami
Hercule il affronte le dernier voyage. L’humidité noire, le
tassement des corps, autant de référence aux hommes qui attendent
Charron pour traverser le Styx. Le porion possède la seule source de
lumière devenue « phare ».
C’est également un hommage à la
célèbre allégorie de la caverne, imaginée par Platon dans le Livre VII de la République. Ici se dessine « la
vision d’une caverne où des hommes s’agitaient ». Ce monde
de la mine prend des dimensions irréelles et vaines. Les hommes
« s’agitent », la réalité n’est plus qu’une
« vision ». Zola se recrée ici lui-même en Socrate, car dans ce livre VII Platon met en scène un dialogue entre Socrate et Glaucon. La
mine devient l’emblème de la condition de l’homme asservi,
enchaîné et victime d’une illusion qu’on lui présente comme la
vérité.
XXXXXXX
Cette courte description n’est pas
un morceau de bravoure, ni un passage capital du texte, ni une grande
page du naturalisme. Cependant elle rassemble tous les degrés
possibles de la lecture du texte zolien. Elle fournit des
renseignements, contribue à la progression dramatique et comporte
une dimension symbolique. Ainsi même dans ses passages
mineurs-hihihi- Germinal foisonne.