mardi 2 septembre 2014

En guise d'au revoir.

Je vous souhaite à tous une excellente année scolaire, pleine de découvertes et de joies ! Travaillez bien.
Je vous laisse ici le commentaire rédigé, avec les titres et les sous-titres, et quelques abréviations, pour vous aider.
MAIS il ne faut jamais les écrire lorsque vous faites un commentaire, tout doit être rédigé sans aucune trace matérielle de plan, titres et sous-titres, et sans abréviations.

LA PRINCESSE DE CLÈVES
Commentaire



INTRODUCTION


Paru en 1678, La Princesse de Clèves , roman de Mme de Lafayette s’ouvre sur la cour du Roi Henri II.
Ce portrait inaugural des plus hauts personnages du royaume se laisse lire de prime abord comme un éloge des fastes de la Cour. Sous cet éloge apparent se dessine cependant un jugement très critique. L’enjeu de la lecture est alors de comprendre comment l’écriture de Mme de Lafayette, soumise aux contraintes de l’ouverture romanesque, réussit à livrer un blâme sous les dehors de l’éloge.
Afin de mener à bien l’étude cette écriture il conviendra tout d’abord de montrer que cette brillante galerie de portraits semble annonciatrice d’un roman historique, héroïco-tragique. Mais la présence mesurée de la narratrice nous conduira ensuite à nous interroger sur la dimension ironique de ses interventions. Il sera alors temps de mettre en évidence une esthétique originale et exigeante, livrant les clés d’un roman du secret.


  1. Une brillante galerie de portraits annonciatrice d’un roman à la fois héroïque et tragique.

    1. Un ancrage historique immédiat et prégnant.
-Chronotope les dernières années du règne d'Henri II et la Cour.
-Noms des personnages historiques
L’Histoire est convoquée à chaque ligne, par les puissants de la Cour, leur noms et leurs titres. Il s’agit de personnages réels et le lecteur attend alors les personnages proprement romanesques.

    1. Des portraits brillants.
-Les hyperboles : « magnificence »,  « jamais », « tant d’éclat », « pas moins violente », « pas moins éclatants », « tous les jours », « partout ».
L’hyperbole structure le texte jusqu’à apparaître comme la seule figure, omniprésente.
-Accumulation des titres, des reprises de titres et des particules de noblesse.

    1. Une annonce en creux.
Au sein de ce décor on cherche en vain la Princesse de Clèves. Son absence semble destiné à provoquer l’attente du lecteur invité alors à lire en creux des annonces dans ce début ob ovo digne de la tradition du roman épique et héroïque où les auteurs tracent d’abord la généalogie des héros avant de les présenter en action.On remarque alors que se dessine dans le portrait les prémices d’une tragédie : dans cet univers de Cour, la mort rappelée du Dauphin annonce une catastrophe. La passion du Roi et la « dissimulation » de la Reine laissent présager aussi des péripéties héroïco-tragiques, les témoignages éclatants de la passion pour la maîtresse s’opposant aux témoignages dissimulés de la jalousie.

Plongé dans l’histoire et l’éclat de la Cour le lecteur est comme invité à une lecture en creux de la suite du roman ; son horizon d’attente semble celui d’un roman héroïque et tragique. Cependant l’ouverture est ambiguë, retardant l’entrée du personnage éponyme et instaurant une contradiction entre la première phrase et la dernière du texte, opposant la magnificence et la galanterie à la politique. Cette ambiguïté n’est-elle pas d’ailleurs commune aux trois portraits ? Dès lors l’apparent éloge des trois personnages ne tourne-t-il pas au blâme de leur conduite ?

  1. Une narratrice ironique ?

    1. Le portrait d’un roi peu soucieux de régner.
Le portrait du roi est l’occasion d’une très brève description, trois adjectifs qui le placent exclusivement sous le signe du corps « bien fait » et du sentiment « galant » et « amoureux ». Le deuxième paragraphe semble insister sur le corps et sa domination sur l’esprit puisque la phrase commence par une circonstancielle de cause « comme il réussissait admirablement… » qui dicte les occupations du Roi. Le corps apparaît comme la source du comportement royal. Enfin, les allusions à la mort du dauphin qui aurait « dignement » remplacé François premier dévalorisent indirectement Henri II.
    1. Diane de Poitiers : une grand-mère indigne ?
La maîtresse du Roi n’est guère favorisée non plus. En effet le personnage n’est pas décrit. Elle n’est présentée que dans sa position de maîtresse du Roi, depuis vingt ans, ce qui peut s’entendre comme une allusion à leur différence d’âge. Cette question de l’âge suscite l’attention du lecteur qui apprend au deuxième paragraphe qu’elle est grand-mère, et une grand-mère âgée puisque sa petite fille est en âge de se marier. Enfin le verbe « apparaître » la place aussi sous le signe des apparences et non de la vérité. Au final, le ton de la narratrice à son égard semble plus ironique que bienveillant. Cette ironie à l’égard d’une maîtresse vieille mais habillée comme sa petite-fille renforce par contrecoup la dévalorisation du Roi.

    1. La Reine : une douceur peu amène.
La Reine n’est pas nommée bien qu’il soit clair pour le lecteur contemporain de Mme de Lafayette qu’il s’agit de Catherine de Médicis. Sa description physique est brève- comme ce sera le cas pour tous les personnages du roman. Pourtant le trait de beauté est immédiatement contrebalancée par l’âge et l’antithèse semble un euphémisme. Au contraire du Roi c’est sous le signe du politique que la Reine apparaît, son « humeur ambitieuse » occupe un paragraphe non sa beauté. Le dernier paragraphe est souvent modalisé, « il semblait », « il était difficile de juger » car la narratrice prend de la distance par rapport au personnage historique. C’est pour mieux faire ressortir les qualités qu’elle lui prête : « une si profonde dissimulation ». La phrase non seulement porte l’intensif mais est exempte de modalisation ce qui par contrecoup annule « semblait » . C’est bien un jugement de Catherine de Médicis et il n’est pas élogieux.


Mais alors s’il s’agit bien d’un blâme dissimulé ici, que reste-t-il de l’ouverture promise, de la grandeur et de l’éclat ? Ce qui se donne à lire est en fait le fruit d’une esthétique, la préciosité, qui joue sur le lexique, la construction et les figures, la culture et la complicité du lecteur enfin, comme le bon ton de la conversation le veut dans les salons.

  1. Une esthétique originale qui sollicite le lecteur.
    1. Le choix du lexique.
Le lexique de Mme de Lafayette échappe aux excès précieux que Molière a tournés en dérision. Mais elle fait un usage subtil de nombreux mots. Ainsi le verbe « paraître » est le premier verbe du roman, plaçant celui-ci sous le signe des apparences et de la superficialité, idée renforcée par l’emploi du verbe deux fois pour Diane de Poitiers. Dualité entre l’extérieur, ce qu’on montre et que les autres peuvent admirer, cf « admirablement », et ce que l’on cache mais que la narratrice va dévoiler car elle sait qui « dissimule ». Notons encore le doublement de témoignages, décliné en nom pour le roi et verbe pour la reine. L’expression « souffrît sans peine », où le verbe « souffrir » signifie « supporter » dans son sens classique du XVIIè, peut aussi s'entendre comme un oxymore et jouer le rôle de démenti de l’apparent stoïcisme de la reine.

    1. Un usage de la subordonnée à des fins ironiques
Le style de Mme de Lafayette se cache aussi dans sa virtuosité pour enchâsser les subordonnées et y dissimuler un jugement. Ainsi dans le deuxième paragraphe la deuxième phrase nous révèle que Diane de Poitiers est une grand-mère âgée mais seulement dans la troisième subordonnée, où l'on apprend que sa petite-fille est à marier, ce qui crée un effet de chute presque comique. Dans le troisième paragraphe la troisième phrase contient deux subordonnées circonstancielles de temps et la seconde contient elle-même deux relatives. C’est dans la dernière relative que se trouve indirectement par contrecoup une possible critique d’Henri II. En apparence les informations concernent son frère. Mais le frère devant remplacer « dignement » son pèere, Henri II devient moins digne. Il faut aussi s’interroger sur le possessif « son » surprenant car le sujet de la principale est Henri II et grammaticalement « leur » serait plus approprié. Ne faut-il pas dès lors envisager que la narratrice nie en quelque sorte non seulement la dignité mais la légitimité d’Henri II ?

    1. Des informations à double sens
C’est bien le propre de l’esthétique précieuse que de cacher du sens, de laisser la possibilité d’une double entente, sous le signe de la litote ou de l’euphémisme. Il faut alors convoquer l’histoire pour entendre mieux Mme de Lafayette. Ainsi les vingt ans de la passion ne cachent-ils pas la différence d’âge du roi et de Diane de Poitiers ? L’habileté du roi n’est-elle pas mise à mal par sa mort en tournoi justement par maladresse ? L’histoire qui nous enseigne que Diane fut aussi la maîtresse du père, donne un sens particulier à l’expression « prendre la place de son père » employée pour le Dauphin quand il s’agit de régner, mais ce fut en plusieurs sens le cas de Henri II. Enfin le lecteur de l’époque n’ignore pas que la douceur de la Reine fut responsable du massacre de la Saint-Barthélémy en 1572 , et que son manque de jalousie la conduisit à priver Diane de Poitiers du château de Chenonceaux et à la chasser de la Cour après la mort du Roi

CONCLUSION


Ce début de roman semble être le lieu de portraits brillants annonciateurs d’un roman historique, héroïco-tragique. Cependant la narratrice s’y révèle ironique voire acerbe. L’esthétique précieuse semble alors exiger un lecteur attentif et perspicace soucieux de participer à l’élaboration d’un sens qui se dissimule sous les apparences de la limpidité.
On peut d’ailleurs voir là la véritable annonce de cette ouverture : La Princesse de Clèves est un roman du secret sans cesse dévoilé, sans cesse dissimulé.






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